La seconde chance des chefs d’entreprise en difficulté

Un réel atout pour la Croissance et l’emploi

Donner une seconde chance aux chefs d’entreprises malchanceux ayant été confrontés à des difficultés ou à un dépôt de bilan, constitue une réelle opportunité pour la croissance et pour l’emploi.

I) Le constat :

Jusqu’ici, les dirigeants qui connaissaient des difficultés et devaient déposer leur bilan, sans avoir forcément démérité, se trouvaient dans une situation où leurs compétences étaient perdues pour l’économie car il leur était très difficile de rebondir. Ils avaient souvent tout perdu dans leur première entreprise et leur cotation personnelle à la Banque de France leur interdisait l’accès au crédit.

– Sur le plan humain, cette absence de droit à l’erreur est dramatique.
– Sur le plan économique, c’est une absurdité.

II) Des remèdes :

Les experts-comptables, à mon initiative, ont réfléchi à deux actions pour faciliter le rebond par le biais de la formation professionnelle et de la recherche de capital permettant de financer le redémarrage, toutes deux garanties de pérennité.
1. La formation professionnelle :

Dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, la formation professionnelle des entrepreneurs dont l’entreprise a été liquidée constitue bien une possibilité de rebond (articles L653-11 alinéa 4 et R. 653-4 du Code de commerce). Cette formation doit être en relation avec la gestion d’une entreprise (CA Grenoble, ch. com., 6 janv. 2011, n° 10/02747 : JurisData n°2011-003668).

L’Ordre des Experts-Comptables a mis en oeuvre dans le passé et dispose pour l’avenir d’un programme de 40 heures visant à aider l’entrepreneur à analyser son échec et mieux en comprendre les causes pour en tirer les enseignements d’avenir.

Le recours à des outils de pilotage, gage d’une meilleure gestion des situations de crise, doit lui permettre, également d’assurer une nouvelle création ou reprise d’entreprise, avec des chances de pérennité accrues.

2. La recherche de capitaux :

Ce dispositif doit être accompagné d’un crédit d’amorçage accessible aux chefs d’entreprises qui, ayant connu une liquidation judiciaire, sont exclus du système bancaire classique du fait la cotation Banque de France sur leur personne physique en tant qu’ancien dirigeant d’une entreprise qui a déposé son bilan. La cotation est de 040 pour une première liquidation judiciaire sans sanction, 050 pour une première liquidation judiciaire avec sanction et 060 pour une 2ème liquidation judiciaire…

Une réflexion doit être poursuivie avec la Banque de France pour obtenir une cotation moins dissuasive pour le réseau bancaire (exemple 040+++) réservée aux chefs d’entreprises qui après avoir connu une liquidation judiciaire, sans sanction, auraient suivi volontairement une formation professionnelle d’une durée suffisante (au moins 40 heures) assortie d’un suivi post-formation. Actuellement, les cotations Banque de France ne permettent à ces dirigeants ni d’obtenir un crédit classique, ni une ligne de découvert, ni de ligne d’escompte.

Que faire lorsque l’on a un poste clients à financer, souvent de plus de 40 jours ?

Nous avons, dans le cadre de l’expérimentation menée ces deux dernières années, constaté notamment que les produits de retraite par capitalisation pouvaient être débloqués par anticipation, en faveur du dirigeant, après l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’entreprise, et ce conformément à l’article 132-23 du Code des Assurances.

Le chef d’entreprise disposerait ainsi d’un capital de départ pour recréer, et ce, en franchise de charges sociales et d’impôt sur le revenu.
Ce capital représente pour les dirigeants une opportunité très intéressante pour un nouveau départ. Il ne s’applique actuellement qu’aux entrepreneurs individuels et aux gérants majoritaires.

Il nous semble que ce dispositif, insuffisamment connu et très peu utilisé aujourd’hui, devrait être systématiquement proposé aux créateurs d’entreprise pour les sécuriser. On ne peut, par ailleurs, que leur conseiller de souscrire également un produit de type « garantie sociale chef d’entreprise » pour bénéficier après une liquidation judiciaire de leur entreprise d’un revenu de substitution au titre du chômage, en attendant de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

III) Dispositions législatives fondamentales concernant les entrepreneurs « malchanceux » :

– Les dispositions législatives et règlementaires applicables établissent une distinction entre les dirigeants « malchanceux » qui ont la possibilité de reprendre une nouvelle activité, et les dirigeants « malhonnêtes » (la minorité) qui encourent des sanctions.
En effet, depuis le 1er janvier 2006, l’interdiction de gérer ne pourra pas être prononcée pour une durée supérieure à 15 ans, sans être soumise à un délai minimum, avec des possibilités de relèvement de sanction. C’est une mesure de confiance en l’homme et à sa capacité de rachat.
– Au niveau du rebond : Les articles L.653-11 et R.653-4 du Code de commerce reprennent les dispositions propres à favoriser une seconde chance à l’intention des entrepreneurs
« malchanceux » : en précisant que les garanties fournies à l’appui d’une demande de relevé d’interdiction de gérer peuvent consister en une formation professionnelle.
Le rebond consiste avant tout dans un réel parcours de réhabilitation du chef d’entreprise en échec. Désormais, par la formation accrue, par les efforts conjoints des Pouvoirs Publics, des experts-comptables et des banques, les entrepreneurs « malchanceux » disposent d’outils importants pour redémarrer une activité en développant une nouvelle entreprise pérenne, forte de la capitalisation d’expériences de son dirigeant, et non pénalisée financièrement ».

Agnès Bricard, Présidente du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables

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Article paru dan la Lettre de l’Observatoire Consulaire des Entreprises en Difficultés n°39 – mars 2013

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