Détecter et faire grandir les entreprises à potentiel : une priorité (Tribune publiée le 13/04/12 sur Le Cercle Les Echos)

Les 19 000 experts-comptables répartis sur le territoire national sont les premiers partenaires des deux millions d’entreprises qui leur font confiance. Ils partagent avec elles leurs ambitions et leurs difficultés. Ils sont à leurs côtés pour les conseiller, les sécuriser, les aider à trouver des financements, leur permettre d’anticiper.

C’est pourquoi le Conseil Supérieur de l’Ordre a mené une réflexion sur la densification de notre tissu économique par la détection et l’accompagnement des « entreprises à potentiel ». Il y a là une réelle opportunité de création de valeur, de richesse et donc d’emplois, pour notre pays. Cette réflexion se veut en parfaite cohérence avec la mission de coordination conduite par  René Ricol et s’inscrit dans le prolongement du colloque organisé sur son initiative le 8 mars dernier à Bercy dans le but de mobiliser notre Profession sur les dispositifs publics de soutien aux entreprises.[1]
 
 
Développer les entreprises à potentiel : un levier de croissance majeur
Au cours de la dernière décennie, les initiatives gouvernementales pour stimuler la création d’entreprises ont porté leurs fruits, et une véritable dynamique entrepreneuriale s’est instaurée, comme en témoignent les 550 000 entreprises créées en 2011 (contre moins de 200 000 ans au début des années 2000).

La capacité des « entreprises à potentiel » à tenir leurs promesses en termes de croissance et d’emplois  constitue un indicateur de performance économique dont chacun comprend l’importance dans un contexte de compétition globale intense et de crise. Il s’agit-là, très probablement, de l’un des plus puissants leviers de croissance à mobiliser pour les années à venir. C’est la condition nécessaire pour développer les marchés des entreprises françaises à  l’exportation et leur donner des armes face à la concurrence internationale sur le marché intérieur. C’est la voie économiquement cohérente pour non seulement maintenir, mais mieux développer l’emploi.

Plusieurs études récentes ont mis en avant la faiblesse structurelle de la croissance des PME françaises. Si l’on s’intéresse aux entreprises à très forte croissance en termes de chiffre d’affaires (celles dont le chiffre d’affaires croît de plus de 20 % par an pendant quatre années consécutives), on constate qu’elles sont beaucoup moins nombreuses qu’aux États-Unis. Si l’on en compte 3 % parmi les PME américaines, la proportion équivalente en France se situe seulement, selon les années, entre 0,3 et 0,5 %.

En outre, il y aurait, selon OSEO, 4 000 ETI recensées en France, dont 400 cotées en bourse, à comparer aux 10 000 ETI pilier du dynamisme de nos partenaires d’Outre-Rhin.

L’enjeu pour notre pays est donc de rejoindre les bons élèves de la classe économique mondiale en créant enfin un écosystème vertueux, capable de faire tenir leurs promesses aux entreprises à potentiel de toutes tailles et présentes dans tous les secteurs d’activité.

D’où l’urgence de définir les voies d’une identification plus précoce et plus efficace de ces entreprises, préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un accompagnement à la fois mieux ciblé et plus personnalisé.

Définition de l’entreprise à potentiel : savoir faire preuve de bon sens !
L’identification des entreprises à potentiel butte sur un premier obstacle évident : la définition même de ce qu’est une entreprise à potentiel. En effet, cette notion ne recoupe pas nécessairement celle de « gazelle » et ne se résume pas toujours à une mesure objective de la croissance de l’emploi ou du chiffre d’affaire. Les critères de taille et de chiffre d’affaires permettent de mesurer la réalité économique de l’entreprise sur une période donnée, mais non de cerner son potentiel de croissance et/ou sa capacité d’innovation.

De fait, les critères à prendre en compte sont nombreux : vision claire du management  quant à la vocation de l’entreprise, potentiel du couple-produit-marché, savoir-faire technique, capacité des équipes de direction à anticiper et à gérer la croissance.

Chacun sait qu’une entreprise très innovante sur le plan technologique (entreprise du secteur high-tech ou bio-tech, par exemple) peut connaître une stagnation de l’emploi et même une absence de chiffres d’affaires pendant une phase de R&D plus ou moins longue, avant de mettre sur le marché un produit qui lui permettra de révéler son potentiel de croissance : ce « potentiel silencieux » peut tout à fait être ignoré par les méthodologies de détection traditionnelles. Peut-on, par exemple, prendre pour référence une période de quatre ans pour définir le potentiel de croissance d’une entreprise « bio-tech » quand il faut en moyenne 7 ans pour développer un médicament et le mettre sur le marché ? Le risque est grand que bon nombre d’entreprises innovantes ne soient reconnues comme « à potentiel » que très tardivement et bénéficient dès lors trop tard d’un accompagnement spécifique.

C’est sans doute OSEO qui a le mieux synthétisé ce qu’est une entreprise à potentiel, ou de croissance, définie comme « possédant un avantage concurrentiel notable au regard des autres entreprises et durable sur un marché solvable. La notion de potentiel est liée à l’importance de cet avantage concurrentiel au regard du ou des marchés visés ».

C’est donc l’avantage concurrentiel qui définirait avant tout une entreprise de croissance. Bien souvent, il s’avère être un avantage qualitatif, plutôt que quantitatif, et recouvre un ensemble d’atouts matériels, mais aussi immatériels :

  • la qualité du poste-client, couvert par une assurance ;
  • l’existence d’un savoir-faire formalisé par un manuel « process » ;
  • le carnet d’adresse des dirigeant, la qualité des relations entre associés, leur complémentarité, leurs expériences passées.

Reste qu’on peut encore préférer s’en remettre au bon sens commun des experts-comptables qui accompagnent au quotidien les entreprises et connaissent leur environnement pour évaluer ce potentiel, selon des critères propres à chaque activité. On notera d’ailleurs que nombre d’économistes ont choisi de faire reposer la définition du potentiel de l’entreprise de croissance sur un simple appel au sens commun.

Détecter les entreprises à potentiel avec les outils de l’intelligence économique
Bon nombre d’entreprises à potentiel ne sont pas repérées ou n’apparaissent sur le radar des acteurs du développement économique local que trop tardivement.

La détection des entreprises à potentiel ne doit pas reposer sur la seule prise de contact volontaire de l’entrepreneur avec les acteurs du développement économique. L’idée est de faire contribuer à cette identification les experts-comptables et tous ceux qui, par leur proximité au quotidien avec l’entreprise son activité et son marché, sont en mesure d’évaluer avec justesse son potentiel de croissance.

La réponse moderne et efficace à ce défi de l’identification des entreprises à potentiel pourrait être création d’un portail Internet de signalement, ouvert bien entendu aux entrepreneurs, mais aussi à tous les acteurs publics et privés susceptibles d’avoir un avis éclairé sur le potentiel de l’entreprise. Ce portail mettrait à la disposition des entrepreneurs et des acteurs souhaitant signaler une entreprise une palette d’outils permettant d’affiner le diagnostic sur le potentiel de croissance de l’entreprise.

Il pourrait notamment proposer un questionnaire de scoring, s’inspirant dans son schéma de fonctionnement d’outils en ligne existants. Parmi les outils ayant démontré leur pertinence, on peut notamment relever : l’auto-diagnostic d’intelligence économique élaboré par l’Ordre des experts comptables avec le Service de coordination à l’intelligence économique de Bercy, ou le site géré par l’APCE pour la transmission d’entreprises, ou encore  les « Alertes Professionnelles » développées par Groupama et le Conseil Supérieur de l’Ordre. Mutualiser les investissements réalisés en la matière permettrait donc de lancer rapidement et au moindre coût un portail de détection au service des comités de coordination constitués dans les régions dans le cadre de la « mission Ricol ». Ces comités rassemblent, sous l’autorité des Préfets, tous les acteurs concernés par le développement économique : services de l’Etat, collectivités, réseaux consulaires et associatifs, FSI Région, OSEO…). Le portail national ne serait donc que l’outil permettant aux forces vives des territoires de repérer et faire grandir les entreprises à potentiel.

Pour donner une dimension concrète et une visibilité au « statut d’entreprise à potentiel », l’attribution d’un label pourrait être privilégiée, en veillant à ce qu’il soit non seulement source de fierté pour les entreprises, mais qu’il ait aussi une valeur en tant qu’actif immatériel de l’entreprise.

Pour un accompagnement renforcé des entreprises à potentiel et de leurs dirigeants
Plus de 15000 dispositifs publics sont aujourd’hui destinés aux PME : la plupart des dirigeants sont dans l’incapacité de s’orienter dans ce maquis d’aides et de dispositifs et d’en tirer parti.  L’accompagnement personnalisé des dirigeants d’entreprises à potentiel pourrait reposer sur deux axes prioritaires : un meilleur guidage vers les dispositifs d’aides aux entreprises et un “coaching” personnalisé assuré par un réseau d’entrepreneurs expérimentés assurant une fonction de “mentor”.

La mise en place d’un réseau de mentors (entrepreneurs ayant réussi, business angels, dirigeants jeunes retraités) pourrait s’appuyer sur le portail de signalement des entreprises à potentiel, qui permettrait aux mentors éventuels de se faire connaître des entrepreneurs et des autres acteurs concourant au signalement des entreprises à potentiel.

Les experts-comptables ont de façon naturelle toute leur place dans cet accompagnement. Leur rôle de conseil ne se limite pas en effet à l’établissement des comptes annuels. Au contraire, tout commence avec les comptes annuels, qui sont source de réflexion avec les dirigeants sur les évolutions stratégiques des entreprises. Dans un environnement économique en mutation permanente, leur mission de conseil ne va cesser de s’affirmer dans les prochaines années. C’est pourquoi, sur le terrain de la détection et de l’accompagnement des entreprises à potentiel, les experts-comptables sont un maillon essentiel de la chaîne des acteurs publics et privés.


[1] Le guide « Les dispositifs publics de soutien aux entreprises » est téléchargeable gratuitement sur www.financement-tpe-pme.com

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