Discours d’Agnès Bricard, prononcé dans le cadre des 3èmes états généraux de l’Autorité des Normes Comptables

Monsieur le Président, mon Cher Jérôme, Mesdames et Messieurs les Professeurs, Chères Consœurs et Chers Confrères, Chers Amis,

Je tiens tout d’abord à remercier Jérôme HAAS pour son invitation et vous dire combien l’institution que je représente est attachée aux relations entre la profession comptable libérale et la recherche comptable.

Pour parler de ces relations, il faut d’abord préciser ce que l’on entend par « profession libérale » en général. En dehors du cadre réglementaire définissant leur mode d’exercice, les professions libérales se définissent par le contenu de leurs activités :

  • La maîtrise d’une discipline renvoyant à une formation universitaire de haut niveau ;
  • Le respect de normes d’exercice professionnel ;
  • Le respect de normes de déontologie.


Au-delà des relations avec leurs clients, ces professions se développent dans un cadre faisant intervenir trois acteurs :

  • Les professionnels eux-mêmes, généralement regroupés dans une organisation professionnelle exerçant un certain nombre de prérogatives dont la définition des pratiques professionnelles ;
  • L’Université pour concevoir et diffuser un contenu disciplinaire ;
  • Les Pouvoirs publics, garants de l’intérêt général, pour imposer ou valider des normes de déontologie ainsi qu’un cadre légal et réglementaire.

Ce cadre concerne aussi bien les experts-comptables que les commissaires aux comptes, les avocats, les médecins ou les architectes. Ces professions ne peuvent être livrées à elles-mêmes, face à leurs clients. Les trois acteurs, que je viens de citer, contribuent à la production de services indispensables à la Société et doivent coopérer.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les modalités de coopération entre deux de ces trois acteurs : la profession comptable libérale que je représente et l’Université à laquelle l’ANC, à l’initiative de son Président, Jerôme HAAS, a dédié ces deux journées.

Les praticiens, forts de leur expérience de terrain, peuvent mutualiser leurs expériences et, de façon pragmatique, faire émerger les « bonnes pratiques » ou, comme diraient nos confrères anglophones, moins modestes, les « meilleures pratiques » (best practices). C’est notamment le rôle de l’Ordre des experts-comptables de les décrire et de les faire connaitre. Mais, la somme des expériences individuelles ne permet pas de constituer une théorie, une somme de connaissances susceptible d’être transmise. Il est donc nécessaire de structurer ce savoir pour pouvoir le diffuser, en pratique il s’agit :

  • de définir des concepts de façon rigoureuse,
  • de consolider (au sens comptable du terme) les expériences pour faire émerger des règles pouvant éclairer la pratique,
  • de confronter notre discipline aux travaux de recherche menés dans des disciplines voisines comme le droit, l’économie, les statistiques ou des disciplines plus lointaines comme la sociologie (c’est la mission première, avec la transmission des savoirs, des universitaires).

Le dialogue entre les deux mondes, celui de l’Université et celui des professionnels, nous le pratiquons déjà depuis bien longtemps. Pour reprendre l’intitulé de ces Etats généraux de la recherche comptable, nous comprenons, à l’Ordre des experts-comptables, qu’il y a une certaine volatilité de l’expérience instantanée du praticien et, par ailleurs, un travail de fond, à long terme, de construction et reconstruction permanente des théories.

Permettez-moi d’évoquer quelques exemples de cette coopération déjà exemplaires, de la complémentarité de nos rôles :

  • La Revue française de comptabilité, (RFC), revue mensuelle dont plus de 450 numéros sont déjà parus, revue de référence dans le monde de la comptabilité, dont les colonnes mêlent les articles des praticiens et des universitaires et dont le rédacteur en chef a longtemps été un universitaire, le professeur Jean-Claude SCHEID ;
  • L’accueil au Conseil supérieur de l’Ordre des réunions des conseils de l’Association francophone de comptabilité (AFC) et de l’Association nationale des masters CCA, deux associations essentielles dans le monde académique ;
  • L’accueil au Conseil supérieur du Groupe de travail sur la réforme des examens comptables de l’Etat (GRECE) qui a bénéficié du concours d’Hélène MICHELIN et de son équipe et dont sont issu les programmes du nouveau cursus de l’expertise comptables (DCG, DSCG et DEC) ainsi que les référentiels de la VAE ;
  • Le financement par le Conseil supérieur de trois nouvelles thèses de doctorat par an, financement sur trois ans, dans le cadre du Programme d’accompagnement de la recherche comptable (PARC) lancé en 2005 par le professeur Roland PEREZ ;
  • L’organisation par le Conseil supérieur de journées de réflexion comme celles sur le droit comptable organisées par mon confrère Jérôme DUMONT avec le concours d’universitaires dont le professeur Hubert TONDEUR ;
  • La participation des universitaires aux congrès de l’Ordre, chaque année ; le congrès de 2013 qui a pour thème la formation sera une occasion d’aller encore plus loin dans cette coopération ;
  • La participation des universitaires à de nombreuses publications de l’Ordre comme l’Abécédaire de la formation paru en 2012 ;
  • La participation des universitaires aux travaux de l’Académie des sciences et techniques comptables créée et présidée par William NAHUM ;
  • La participation de nombreux enseignants aux travaux de la Commission formation du Conseil supérieur, présidée par mon confrère Jean-Marie VIAL ;
  • Et, en sens inverse, la coopération c’est aussi la participation de nombreux membres de l’Ordre aux enseignements de comptabilité dans les universités et les grandes écoles et leur participation au bon déroulement des examens comptables supérieurs : conception des sujets, correction des copies, épreuves orales, soutenance des mémoires du DEC et examen des demandes de VAE. Dans le domaine des examens, la coopération se matérialise aussi, de façon symbolique et néanmoins essentielle, par l’organisation d’une cérémonie officielle de remise du diplôme d’expertise comptable qui, depuis 2010, connaît un très grand succès.

S’il y a bien deux mondes, vous voyez comme moi, à la lumière de cette liste non exhaustive mais déjà impressionnante, qu’ils se fréquentent beaucoup et s’enrichissent mutuellement. Mais ce satisfecit ne doit pas conduire à l’inaction. Comme vous le savez, l’inaction n’est pas ma tasse de thé ! Les succès passés sont un encouragement à poursuivre dans cette voie de façon encore plus ambitieuse.

Que pouvons-nous faire de plus et de mieux ? C’est ça, la vraie question ! Je crois profondément que la voix de la France sur la scène de la normalisation comptable internationale, qui est un enjeu majeur bien au-delà de la profession comptable, ne sera entendue que si nous renforçons encore plus notre travail en commun : ANC, Ordre et Université. Il ne s’agit pas de faire du mimétisme à bon marché, mais, dans ce domaine, nos homologues aux Etats-Unis nous ont montré la voie. Il nous faut passer d’une recherche encore trop artisanale, individuelle, dispersée mais pleine de charme à une recherche plus structurée, industrialisée comme cela se fait dans d’autres domaines de la science, pour être plus efficace. Ce n’est pas la qualité de ce que nous faisons qui est en cause mais le manque de programmes dans lesquels les chercheurs peuvent s’inscrire et inscrire les programmes d’action des laboratoires universitaires. Les Etats généraux de la recherche comptable, initiés par l’ANC, sont un premier pas dans ce sens, un pas prometteur.

Enfin, en évoquant la recherche comptable, cessons de nous focaliser trop exclusivement sur les sociétés cotées. Leur rôle dans la Société est certes spectaculaire mais elles ne représentent pas l’essentiel du tissu économique. N’oublions pas le secteur public et les normes IPSAS, le secteur de l’économie sociale et solidaire et aussi nos trois millions de PME ou TPE. Tous ces acteurs de l’économie ont des besoins différents en matière de comptabilité financière, de comptabilité de gestion, de contrôle de gestion, d’audit, etc. Dans tous ces domaines, la demande de recherches et d’enseignements est loin d’être satisfaite et les pratiques sont perfectibles.

Pour conclure, je place beaucoup d’espoirs dans l’initiative lancée par Jérôme HAAS il y a maintenant deux ans et souhaite le plus grand succès à ses projets en l’assurant que l’Ordre sera à ses côtés.

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